Méditations fiévreuses sous antihistaminiques
Infâmes prémisses. D’abord une chaleur qui ne dit pas son nom puis un odieux frisson. Elle ondule en moi, elle me traverse par vagues, comme si j’étais un ballon moite se gonflant et se vidant d’eau bouillante, sans un instant de répit. La fièvre monte, je me sens fébrile, elle est là : la maladie. Mon corps comprend qu’il a été trahi.
Pourquoi dit-on « avoir de la fièvre », alors que c’est elle qui nous possède ?
Dans sa voix active, elle s’installe, souveraine dans nos veines, nous colle à la peau comme la glaire aux muqueuses. Je hais, sans pouvoir rejeter complètement, cet exsudat purulent et épais qui s’accroche au fond de la gorge pour y glisser avec emphase dans un exercice de varappe inversée.
Je vais y laisser ma peau, celle de la gorge, écorchée à force de cracher ces humeurs visqueuses et amères.
La maladie, en plus d’être souffrance est frustration, elle transforme le corps en animal domestique et rend l'esprit plus que jamais captif.
Rhinite allergique. Une flamme me brûle les cavités nasales, consumant mes sinus comme si le feu se nourrissait de la chair. Du fond de la langue je mesure la texture granuleuse de mon voile palatin. On dirait le dos d'une éponge. J'aimerais pouvoir passer au Karcher mes ethmoïdaux, rincer cette misère à grande eau.
L'œil droit pleure, gonflé, épuisé d'avoir seulement à demeurer ouvert. La lumière et l’air sont acides.
Je crois que je préfère la douleur à la gêne, cette irritation de l’extrême.
Chaque respiration me coûte, je choisis de me sous-oxygéner, d’effleurer la transe, plutôt que d’endurer cette réalité brûlante. Quand respirer devient une auto-agression et le nez la plaie ouverte du visage alors le corps cesse d’être un abri et devient un supplice à maintenir en vie.
Inès A. - Le Cynicat